Page:Charles Derennes Le peuple du pôle 1907.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
221
le peuple du pôle

temps à autre, se retournant, me regardait de travers, sans s’arrêter… Il se creusait entre lui et moi un abîme de silence aussi infranchissable que le désert de glaces dont nous commencions à voir l’haleine brumeuse et glaciale monter sous le ciel en face de nous. Le jour n’eut pas encore cette fois-là sa durée normale et la nuit était revenue déjà lorsque nous retrouvâmes le ballon. Je crois, en vérité, que la violence des sentiments de méfiance et de haine qui m’occupaient tout entier m’avaient fait oublier la fatigue et trouver courte la route.

Durant les jours qui suivirent, je n’osai pas me permettre une minute de repos. J’avais la certitude que, si mon compagnon me trouvait endormi, c’en était fait de moi. Sans doute, dès cet instant, je renonçais à l’espoir de m’échapper du Pôle : revenir dans les souterrains, à la recherche de la liqueur brune ? Je comprenais bien que je n’en retrouverais pas le courage, que les hideux souvenirs de la nuit de sang et de folie peupleraient mon esprit d’images assez fortes pour me repousser chaque fois que je tenterais désormais de franchir le seuil des trappes. Dès lors, être massacré tôt ou tard par les monstres (car je ne pensais pas qu’ils eussent d’autre intention à notre égard) ou être assassiné par Ceintras durant mon