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le peuple du pôle

manifesta jamais cette vanité et ce ridicule amour de la réclame que son compagnon ne se lasse pas de lui prêter. Et si Dupont avait su dès cette époque que l’un des deux n’allait pas tarder à devenir fou, il aurait cru pouvoir prédire avec une quasi certitude que ce sort était réservé à de Vénasque. Un jour il réunit chez lui en ma présence la plupart des hommes qui avaient travaillé sous ses ordres à Kabarova ; tous partagèrent son avis.

L’aspect seul de de Vénasque ne plaidait guère en sa faveur. Là non plus, la réalité ne correspondait en rien à ce que j’avais imaginé. Je ne sais trop pourquoi, — sans doute à cause de ce qu’il racontait de son enfance et de son adolescence, — je le voyais assez bien sous les traits d’un rêveur romantique égaré en notre temps, d’un Byron moderne qui s’était lancé dans une héroïque et folle aventure par mépris de l’existence banale, par révolte ou par ennui. Naturellement je lui avais fabriqué un visage noble, beau et en tous points digne de cette âme… Sur ce point encore il fallut déchanter.

— Imaginez, me dit un jour Dupont, des jambes en manches de balai, un buste ridiculement étroit, des vêtements jaunâtres, toujours de moitié trop larges et, plantée un peu de travers au