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le peuple du pôle

de toutes pièces et qu’il y ait en elles un fond de réalité. Mais l’esprit d’un fou reflète la réalité en la déformant, comme un miroir concave ou convexe fait les objets qu’on lui présente. Quand une épingle pique un dormeur, il rêve de coups de poignard… Et la folie, comme l’a dit un de mes maîtres, a souvent toutes les apparences d’un rêve poursuivi à l’état de veille.

— À quoi pensez-vous que doive se réduire le fond de réalité ?

— Voilà sur quoi il est bien difficile de se prononcer. Sachez seulement qu’il suffit d’un rien à un fou pour construire un monde. Entre mille hypothèses également possibles, en voici une que je vous propose, sans lui attribuer moi-même plus d’importance qu’il ne convient : le ballon, pour une raison ou pour une autre, reste en panne en vue du Pôle et doit atterrir. Terrifié par la perspective d’être isolé, probablement pour toujours, du reste des hommes, de Vénasque est définitivement la proie de la folie qui le guettait ; alors, pendant que Ceintras pare au plus pressé, va à la découverte, lui, seul et livré à lui-même, écrit, écrit ce qu’il croit voir avec cette facilité d’imagination et cette fécondité effarantes que l’on constate si fréquemment chez les aliénés… Voyons, est-ce qu’un homme sensé, dans la situation où il prétend se