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le peuple du pôle

Bien entendu Ceintras ne fut pas de mon avis : le civet n’était pas assez chaud, le bordeaux ne devait pas se boire si froid, le biscuit lui occasionnerait certainement une maladie d’estomac… Avec la meilleure volonté du monde je ne pouvais pas cependant aller lui chercher des petits pains ! Du reste, tout en grommelant, il fit disparaître une bonne moitié des mets ; je n’eus pas grand’peine à me charger du reste, et, ce repas pourtant copieux ne nous suffisant pas, nous y adjoignîmes des fruits en conserve et une bonne lampée de rhum. Il faut noter ici, — chose assez curieuse étant donné le peu de forces que nous dépensions, — que nous éprouvâmes durant tout le voyage un formidable appétit.

Nous jouissions dans l’une et l’autre partie de la cabine d’une température très douce et, quand notre festin fut terminé, nous eûmes la sensation d’un absolu bien-être. De temps à autre nous essuyions du revers de nos manches la buée épaisse et les fleurs de glace qui s’amoncelaient sur les hublots, et, au dehors, c’était toujours le monotone paysage que les récits des explorateurs nous avaient rendu familier. Pourtant, sous l’influence d’une exaltation fiévreuse ou d’un étrange pressentiment, je ne renonçais pas à mon espoir de contempler avant peu des prodiges et, bien