Page:Charles Perrault - Les Contes de Perrault, edition Feron, Casterman, 1902.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Les souhaits ridicules


CONTE.


Il était une fois un pauvre bûcheron
Qui, las de sa pénible vie,
Avait, disait-il, grand envie
De s’aller reposer aux bords de l’Achéron :
Représentant, dans sa douleur profonde,
Que, depuis qu’il était au monde,
Le ciel cruel n’avait jamais
Voulu remplir un seul de ses souhaits.

Un jour que, dans le bois, il se mit à se plaindre,
A lui, la foudre en main, Jupiter apparut ;
On aurait peine à bien dépeindre
La peur que le bonhomme en eut.
Je ne veux rien, dit-il, en se jetant par terre ;
Point de souhaits, point de tonnerre,
Seigneur, demeurons but à but.

— Cesse d’avoir aucune crainte ;
Je viens, dit Jupiter, touché de ta complainte,
Te faire voir le tort que tu me fais.
Écoute donc : je te promets,
Moi qui du monde entier suis le souverain maître,
D’exaucer pleinement les trois premiers souhaits
Que tu voudras former sur quoi que ce puisse être ;
Vois ce qui peut te rendre heureux,
Vois ce qui peut te satisfaire ;
Et, comme ton bonheur dépend tout de tes vœux,
Songes-y bien avant que de les faire. »

À ces mots, Jupiter dans les cieux remonta ;
Et le gai bûcheron, embrassant sa falourde.
Pour retourner chez lui sur son dos la jeta.
Cette charge jamais ne lui parut moins lourde.