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ET LES FLAGELLÉS DE PARIS

me voyant passer : « Voilà une catin ». Mais j’ai vite compris que j’étais dans l’erreur ; il y a trop de femmes dans mon cas, pour qu’une de plus ou de moins fasse quelque chose dans la masse. Mais, toi-même qui as l’air de me sermonner, est-ce que tu n’es pas dans ma situation, sans avoir la même excuse que moi, le tempérament et le hasard ?

— Oh ! moi, j’ai une autre excuse : l’incompatibilité d’humeur. Imagine-toi ceci : quand je commandais du poulet à la cuisinière, mon mari me faisait une scène,il eût voulu du bœuf à la mode ; au turbot il préférait les soles ; si je voulais aller à l’Opéra, il m’emmenait à l’Odéon ; je désirais aller en voiture, il me prenait le bras et me faisait marcher, soi-disant pour ma santé ; j’adore le rose, il le déteste, il affirme que le noir me va mieux ; si je manifestais l’intention d’aller faire une promenade au bois de Meudon, aussitôt, il me conduisait au bois de Vincennes ;je voulais m’abonner au Figaro, il s’est abonné au Temps ; quand un roman un peu friand paraissait, je le priais de me l’acheter, il m’apportait un livre insipide, sous prétexte qu’il est des livres qu’une femme qui se respecte ne doit pas lire. Bref, c’était une vie infernale, ses contradictions m’exaspéraient.

— Alors ?

— Je me suis tenu ce raisonnement : si je le