Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/115

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De par mon cueur la feray presenter
À ma Dame, ma seule desirance,
À qui pieçà je le voulu donner
Treshumblement, de toute ma puissance.


BALLADE XLIII.

     Mon cueur est devenu hermite
En l’ermitage de Pensée ;
Car Fortune la tresdespite
Qui l’a haÿ mainte journée,
S’est nouvellement aliée,
Contre lui, avecques Tristesse,
Et l’ont banny hors de Lyesse ;
Place n’a où puist demourer,
Fors ou bois de Merencolie,
Il est content de s’i logier ;
Si lui dis je que c’est folie.
     Mainte parolle lui ay ditte,
Mais il ne l’a point escoutée ;
Mon parler riens ne lui proufite,
Sa voulenté y est fermée,
De legier ne seroit changée.
Il se gouverne par Destresse
Qui, contre son prouffit, ne cesse,
Nuit et jour, de le conseillier ;
De si près lui tient compaignie
Qu’il ne peut ennuy delaissier,
Si lui dis je que c’est folie.
     Pource sachiez, je m’en acquitte,
Belle tresloyaument amée,
Se lectre ne lui est escripte
Par vous, ou nouvelle mandée,