Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/128

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Je metz en vostre jugement
Se ma bouche dit vray ou ment.
Si tiens que parler de princesse
Vient du cueur, sans decevement.
Ma Dame, ma seule maistresse.
     Non pour tant, me fault vous ouvrir
La doubte qu’en moy est entrée.
C’est que j’ay paour, sans vous mentir,
Que ne m’ayez, tresbelle née,
Mis en oubly ; car mainte année
Suis loingtain de vous longuement,
Et n’oy de vous aucunement
Nouvelle pour avoir liesse ;
Pourquoy vis doloreusement,
Ma Dame, ma seule maistresse.
     Nul remede ne sçay querir
Dont ma doleur soit al egée,
Fors que souvent vous requerir
Que la foy que m’avez donnée
Soit par vous loyaument gardée.
Car vous cognoissiez clerement
Que, par vostre commandement,
Ay despendu de ma jeunesse.
Pour vous attendre seulement,
Ma Dame, ma seule maistresse.
     Plus ne vous convient esclarsir
La chose que vous ay comptée ;
Vous la congnoissiez, sans faillir ;
Pource, soyez bien advisée
Que je ne vous treuve muée.
Car, s’en vous treuve changement,
Je requerray tout haultement,
Devant l’amoureuse Déesse,
Que j’aye de vous vengement.
Ma Dame, ma seule maistresse.