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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/133

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À ma Dame prise soudainement ;
Par quoy suy mat, je le voy clerement,
Se je ne fais une Dame nouvelle.
     En ma Dame j’avoye mon secours,
Plus qu’en autre, car souvent d’encombrier
Me delivroit, quant venoit à son cours,
Et en gardes taisoit mon jeu lier ;
Je n’avoye Pion, ne Chevalier.
Autlin, ne Rocq qui peussent ma querelle
Si bien aidier. Il y pert vrayement,
Car j’ay perdu mon jeu entièrement,
Se je ne tais une Dame nouvelle.
     Je ne me sçay jamais garder des tours
De Fortune, qui maintes foiz changier
A fait mon jeu et tourner à rebours ;
Mon dommage scet bien tost espier,
Elle m’assault sans point me deffier.
Par mon serment, oncques ne congneu telle.
En jeu party suy si estrangement
Que je me rens et n’y voy sauvement,
Se je ne fais une Dame nouvelle.


BALLADE LIX.

     Je me souloye pourpenser
Au commencement de l’année,
Quel don je pourroye donner
À ma Dame la bien amée :
Or suis hors de ceste pensée,
Car Mort l’a mise soubz la lame,
Et l’a hors de ce monde ostée.
Je pry à Dieu qu’il en ait l’ame.
     Non pour tant, pour tousjours garder