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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/15

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d’être connu. Son fils, Louis XII, un protecteur des lettrés, monte sur le trône. François Ier est son neveu, et François Ier développe, met en honneur justement les qualités littéraires où son oncle a brillé, il protège les poëtes qui sont de la même famille intellectuelle, et c’est tout ce qui fait l’immense gloire de Marot, que d’avoir des tendances poétiques analogues à celles de Charles d’Orléans. Là encore, celui-ci avait donc toute chance d’être vanté.

Or non-seulement il n’est pas vanté, il n’est même pas connu. Il est oublié à un point qui ne se peut dire. Ses contemporains n’en parlent pas, ses successeurs du xvie siècle n’en sonnent mot et son existence était ignorée du xviie siècle.

Il y a là, sans doute, un mystère qui a paru assez étonnant à tous ceux qui se sont occupés de Charles d’Orléans. Je crois que l’explication est possible, on la trouve en étudiant l’histoire littéraire du xve siècle. La linesse pure que représente Charles d’Orléans était exclue de ce siècle. Villon n’a passé, si je puis dire, qu’à l’aide de sa vigueur intellectuelle ; encore la place que ses contemporains lui ont faite est-elle bien petite. La postérité a été obligée de prendre sa cause en main, quoique avec moins d’efforts que pour Charles d’Orléans et pour ces trois autres inconnus du xve siècle, ces trois autres charmants et réhabilités représentants de la Finesse, les auteurs du Petit Jean de Saintré, de Jean de Paris et de l’avocat Pathelin. Villon et Pathelin n’avaient survécu que par ce qu’ils avaient de grossièrement populaire. Les trois autres écrivains qui n’avaient rien que de fin furent oubliés.

L’instinct littéraire du xve siècle, l’instinct général se portait vers la science, vers l’ampleur, vers la gravité et l’emphase, vers tous les excès du travail et de la vigueur intellectuelle ; l’aisance, la simplicité, la grâce étaient oubliées ou méprisées. Or cet instinct était énergique, et il avait créé une école puissante, dédaigneuse comme toutes les écoles de pédants, habile dans l’art de l’admiration mutuelle, comme toutes les écoles oij la médiocrité domine, et violemment exclusiviste comme toutes celles où la recherche et la convention sont le mot du guet. Pour elle, pour cette école où les Molinet, les Crestin, les Le Maire étaient les grands maîtres, tout ce qui ne se rangeait point parmi les disciples, qui n’acceptait pas les formules