Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chose dont tant mon povre cueur se dueille,
Car, s’il est vray que Nature me vueille
Abandonner, je ne sçay que feray ;
À Vieillesse tenir pié ne pourray,
Mais convendra que tout ennuy m’accueille.
     Et non pour tant, le vieil homme qu’ay veu
En mon dormant, lequel Aage s’appelle,
Si m’a dit vray ; car j’ay bien aperceu
Que Vieillesse veult emprandre querelle
Encontre moy ; ce m’est dure nouvelle
Et jà soit ce qu’à présent suy pourveu
De jeunesse, sans me trouver recreu,
Ce n’est que sens de me pourveoir contr’elle.
     À celle fin que quant vendra vers moy,
Je ne soye despourveu comme nice ;
C’est pour le mieulx, s’avant je me pourvoy,
Et trouveray Vieillesse plus propice,
Quant congnoistra qu’ay laissé tout office
Pour la suir ; alors, en bonne foy
Recommandé m’aura, comme je croy,
Et moins soussy auray en son service.
     Si suis content, sans changier désormais ;
Et pour toujours entierement propose
De renoncer à tous amoureux fais ;
Car il est temps que mon cueur se repose.
Mes yeulx cligniez et mon oreille close
Tendray, afin que n’y entrent jamais,
Par Plaisance, les amoureux atrais ;
Tant les congnois qu’en eux fier ne m’ose.
     Qui bien se veult garder d’amoureux tours,
Quant en repos sent que son cueur sommeille,
Garde ses yeux emprisonnez tousjours ;
S’ils eschappent, ilz crient en l’oreille
Du cueur qui dort, tant qu’il faut qu’il s’esveille,
Et ne cessent de lui parler d’Amours,