Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Disans qu’ilz ont souvent hanté ses cours,
Où ilz ont veu plaisance nompareille.
     Je sçay par cueur ce mestier bien à plain,
Et m’a longtemps esté si agréable
Qu’il me sembloit qu’il n’estoit bien mondain
Fors en Amours, ne riens si honnorable.
Je trouvoye, par maint conte notable,
Comment Amour, par son povoir haultain,
A avancié comme roy souverain,
Ses serviteurs en estat proutfitable.
     Mais en ce temps, ne congnoissoye pas
La grant doleur qu’il convient que soustiengne
Un povre cueur, pris ès amoureux las ;
Depuis l’ay sceu, bien sçay à quoy m’en tiengne,
J’ay grant cause que tousjours m’en souviengne ;
Or en suis hors, mon cueur en est tout las,
Il ne veult plus d’Amours passer le pas,
Pour bien ou mal que jamais lui adviengne.
     Pource tantost, sans plus prendre respit,
Escrire vueil, en forme de requeste,
Tout mon estat, comme devant est dit ;
Et quant j’auray fait ma cedule preste.
Porter la vueil à la première feste
Qu’Amours tendra, lui monstrant par escript
Les maulx qu’ay euz et le peu de prouffit
En poursuivant l’amoureuse conqueste.
     Ainsi d’Amours, devant tous les amans,
Prandray congié en honneste maniere,
En estouppant la bouche aux mesdisans
Qui ont langue pour mesdire legiere,
Et requerray, par treshumble priere,
Qu’il me quitte de tous les convenans
Que je luy fis, quant l’un de ses servans
Devins pieçà de voulenté entiere.
     Et reprendray hors de ses mains mon cueur,