Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/162

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D’Amour et de sa compaignie,
Quant vins à congié demander,
Trop mal me list la departie
Et ne cessoye de pleurer
     Amour vit bien ma contenance,
Si me dist : « Amy, je vous prie.
S’il est riens dessoubz ma puissance
Que vueilliez, ne l’espargniez mie. »
Tant plain fu de merencolie.
Que je ne peuz à lui parler
Une parolle ne demye,
Et ne cessoye de pleurer.
     Ainsi party en desplaisance
D’Amour, faisant chiere marrie.
Et comme tout ravy en trance,
Prins congié, sans que plus mot dye.
À Confort dist qu’il me conduye.
Car je ne m’en savoye aler,
J’avoye la veue esbluye
Et ne cessoye de plourer.


BALLADE VI.

     Confort, me prenant par la main.
Hors de la porte me convoye ;
Car Amour, le Roy souverain.
Lui chargea moy monstrer la voye
Pour aler où je desiroye ;
C’estoit vers l’ancien manoir
Où en enffance demouroye,
Que l’en appelle Nonchaloir.
     À Confort dis : « Jusqu’à demain
Ne me laissiez, car je pourroye
Me forvoier, pour tout certain,