Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/17

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générales de la littérature. Sans eux, il eût eu quelque chance de devenir un savant élève d’Eustache Deschamps, un émule d’Alain Chartier, de Georges Chastelain et de Meschinot, il nous eût peut-être donné, avant Blaise d’Auriol, des ballades doubles couronnées à double unissonnance, ou dorées par équivoques mâles ou femelles, simples, composées ou mêlées. Mais il n’eût pas affermi, fortifié la langue française et enrichi de véritables joyaux notre trésor intellectuel. Il n’eût pas surtout, ce qui est sa plus grande gloire comme son mérite éminent, été un des chaînons de cette tradition qui permit au xviie siècle de fixer la langue française ; un de ces fermes et indépendants écrivains qui, de la fin du xiiie siècle au milieu du xvie, pendant ce long sommeil où l’originalité créatrice avait cédé la place à l’imitation consciencieuse, lourde et pédante, ont défendu naïvement le génie français.

Les incidents de sa vie ne servirent pas seulement à lui donner une place à part dans notre littérature, ils le mirent aussi dans une des plus curieuses situations que l’histoire puisse enregistrer. Il fut la Belle-au-Bois-dormant de la féodalité. Il s’endormit quand les grands vassaux, dont il était l’un des plus puissants, étaient tout, et se réveilla quand la royauté restait presque complètement maîtresse de la France.

La biographie que nous allons donner aussi étendue que le permettent les limites de ce livre, va nous fournir les preuves et le développement de ces idées préliminaires.


I

Notre poëte est fils de Louis de Valois, duc d’Orléans, qui était frère de Charles VI et second fils de Charles V. Il eut pour mère Valentine, fille de Galéas Visconti, seigneur de Milan. Louis et Valentine ont laissé dans l’histoire une trace lumineuse qui éclaire et la vie que nous esquissons et les origines de la Renaissance.

Louis d’Orléans est un des types les plus accusés de cette race des Valois, la branche la plus épanouie et la plus parfumée de la fleur de lis, la poésie chevaleresque de la maison de France ; race qui paraît avoir