Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/18

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eu pour caractère d’aimer les belles ou les grandes choses, qui subit le plus de revers, qui tomba le plus bas et porta le pays au plus haut. Non moins saisissante par la variété de ses fortunes que par la fougue de son mouvement, elle semble avoir fait de l’histoire de France un merveilleux poème épique, moitié chanson de peste héroïque, moitié roman d’aventures, amoureux et chevaleresque. Louis de Valois, l’un des plus ambitieux et des plus voluptueux de ce sang audacieux et galant, l’un des plus lettrés de cette famille magnifique, et des plus fanatiques d’art et de luxe, résuma en lui toute cette diversité des destinées de sa maison, son éclat et son infortune. Il rêva dix couronnes et mourut comme l’on sait. Exécré de la masse de ses contemporains qu’il insultait par l’effronterie de ses amours, haï par le peuple qu’il pressurait pour les besoins de son luxe, méprisé par la bourgeoisie, déjà maîtresse de l’opinion et de la chronique et qui voyait en lui, non-seulement un libertin effréné, non-seulement un tyran cupide, mais un savant, un penseur, un curieux, un novateur dont les recherches inquiétaient les préjugés ; il sut pourtant séduire jusqu’à l’histoire. Cette puissance de séduction, si grande que les gens du xve siècle y voyaient de la sorcellerie, il l’exerce jusque sur nous ; et nous sommes toujours tentés d’oublier les hontes de sa corruption, l’odieux de son avidité et la folie de son ambition, pour nous représenter sa générosité, sa bonté, sa franchise, pour nous rappeler l’ami des poites et des lettrés, l’amoureux des beaux livres, des peintures, des grands monuments comme des tins joyaux, des reliures, des tapisseries, des pierres fines.

Mais ses contemporains mêmes, si disposés qu’ils fussent à le mal juger, rendaient justice à ses hautes qualités intellectuelles. Un voyageur qui nous raconte ses impressions de l’an 1395 nous dit, non-seulement qu’il est taillé pour faire un grand prince, mais il constate sa sagesse (sa science). Quel cœur de fer ne s’attendrirait pas, dit le Religieux de Saint-Denis, en voyant l’exécrable meurtre de ce prince si intelligent et si politique, dont l’éloquence élégante le mettait au-dessus des autres seigneurs, et que sa beauté et sa bonté infinie rendaient si attrayant.

C’était cette facilité d’éloquence plus encore peut-être que l’étendue de ses connaissances qui frappait