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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/19

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les gens graves de son temps. Le Religieux de Saint-Denis y revient encore : il avait, dit-il, à titre de prérogative singulière, une éloquence naturelle et d’une extrême facilité. Juvénal des Ursins nous le montre un jour haranguant ses ennemis les Parisiens. « Il usa de moult belles et gracieuses paroles, dit-il, car il en estoit bien aisé. » Retenons ces qualités de facilité, d’aisance et de grâce en songeant à notre poëte.

Celui-ci dut plus encore à Valentine, Valois elle aussi par sa mère, mais par-dessus tout italienne, et si je puis dire, l’une des mères de la Renaissance. C’est elle qui, en donnant à ses enfants des droits sur ritalie, poussa la France à aller chercher là le soleil qui devait faire éclore les germes littéraires ensevelis par le xve siècle sous la poussière germaine, flamande et bourguignonne ; elle aussi qui en donnant à ses descendants Louis XII, François Ier et Henri II cette grâce particulière au génie transalpin, assouplit la force française et étendit, en l’amollissant, la finesse gauloise. Cette grâce si expressive en elle que les contemporains, là encore, criaient à la sorcellerie, cette souplesse, cette mollesse, cette chaleur intellectuelle, nous ne devons pas les oublier non plus en songeant à Charles d"Orléans.

C’est donc de ce Valois, poëte, amoureux, lettré, remarquable par les qualités faciles de son esprit et de son cœur, de cette Italienne sensible, gracieuse, aimante et intelligente, de ce père et de cette mère énergiques tous deux, ambitieux tous deux, que naquit notre poite, le 26 mai 1391. Cette date n’est mise en doute par personne, et à défaut d’autres preuves, les Comptes de l’Hôtel suffiraient pour laisser cette année 1391 hors de doute. Pourtant les deux plus graves historiens de ce temps, l’un, historiographe presque officiel, le Religieux de Saint-Denis, dont je parlais plus haut, nous dit : Vers le milieu de novembre — de l’année 1394, — madame la duchesse d’Orléans, dans la maison royale de Saint-Paul, mit au monde un fils auquel « le roi de France, Charles, en le tenant sur les fonts sacrés, donna son nom. » « En ladite année, 1394, nous raconte l’autre historien Juvénal, que je citais aussi, la duchesse d’Orléans eut un fils nommé Charles, et à le baptiser y eut grande solennité. » Belle-forêt, Guyon, Mézeray nous donnent aussi 93 ou 94. Devons-nous supposer que les deux vieux chroni-