Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/182

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BALLADE X.

     Ha ! Dieu d’Amours, où m’avez vous logié !
Tout droit ou trait de Desir et Plaisance,
Où, de legier, je puis estre blecié
Par Doulx Regart et Plaisant Atraiance,
Jusqu’à la mort, dont trop suis en doubtance ;
Pour moy couvrir prestez moy ung pavaiz,
Desarmé suis, car pieçà mon harnaiz
Je le vendy, par le conseil d’Oiseuse,
Comme lassé de la guerre amoureuse.
     Vous savez bien que me suis esloingné,
Dès long temps a, d’amoureuse vaillance,
Où j’estoye moult fort embesoingné,
Quant m’aviez en vostre gouvernance.
Or en suis hors. Dieu me doint la puissance
De me garder que n’y rentre jamais ;
Car, quant congneu j’ay les amoureux faiz,
Retrait me suis de vie si peneuse.
Comme lassé de la guerre amoureuse.
     Et non pourtant, j’ay esté advisé
Que Bel Acueil a fait grant aliance
Encontre moy, et qu’il est embuschié
Pour me prendre, s’il peut, par decevance.
Ung de ses gens, appelle Acointance,
M’assault tousjours ; mais souvent je me taiz,
Monstrant semblant que je ne quiers que paiz,
Sans me bouter en paine dangereuse.
Comme lassé de la guerre amoureuse.