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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/22

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faisait de la poésie, non de la chronique scandaleuse. Je montrerai plus tard, du reste, que rien ne prouve qu’il n’ait pas adressé ses vers à Isabelle, et c’est pure fantaisie de supposer que son poème s’inspire de Bonne d’Armagnac, morte deux ans avant le temps où il envoie un messager à cette dame Beauté, le soi-disant symbole de la demoiselle d’Armagnac.

Quoi qu’il en soit du rêve ou du cauchemar qu’a pu être pour lui cette première année de ménage, il en fut réveillé par un terrible coup. Le 23 novembre 1407, Louis d’Orléans était assassiné par les gens du duc de Bourgogne, « la plus piteuse et douloureuse aventure, dit Monstrelet, qui de longtemps fut arrivée au chrétien royaume de France. »

La nouvelle de ce crime fut apportée à Château-Thierry où il était avec sa femme et sa mère. Cette mort lui donnait, au nom du testament fait par Louis en 1403, le duché d’Orléans, les comtés de Valois, de Blois, de Dunois et de Beaumont, la baronnie de Coucy, la châtellenie de Chauny, Fallouel et Coudren, le duché du Luxembourg, le comté d’Ast, tous les droits qui pouvaient lui venir du chef de sa mère, héritière des ducs de Milan, et un véritable trésor d’objets mobiliers. Mais il lui imposait aussi une situation que nous allons étudier.


II.

À la mort de son père, Charles, jusque-là comte d’Angoulême, devint duc d’Orléans et l’un des quatre chefs de la féodalité française. Je compte, en etfet, avec lui, non-seulement le duc de Bourgogne et le duc de Bretagne, mais aussi le roi d’Angleterre. Il faut bien comprendre la situation de ce dernier pour expliquer et excuser la conduite de Charles d’Orléans en mainte circonstance. Le roi d’Angleterre était dans une position analogue à celle du roi de Sicile, prince français, seigneur de l’Anjou. Il était, non pas seulement un roi étranger, mais un grand baron français par droit légitime de mariage et d’héritage. À ne consulter que les vieux usages féodaux, largement interprétés dans ces temps de troubles, ses pairs pouvaient, sans for-