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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/23

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faire à l’honneur contemporain, voir en lui un allié. C’était là le vice de la féodalité déclinante. Elle avait été le progrès, la civilisation, le salut de la France, elle en devenait la ruine. Après avoir été une institution féconde, elle était un parti, et comme l’histoire nous le montre de tous les partis, elle mettait ses pré- jugés et ses intérêts au-dessus des instincts supérieurs de la famille, du patriotisme, de la morale et de la religion. J’insiste sur cela qui doit éclairer, ai-je dit, quelques points de cette biographie. On ne prouverait pas grande équité j’imagine, en faisant peser sur Charles d’Orléans tout le poids des fautes et des idées de son temps.

Je n’ai pas compris les barons du Midi dans ma liste des puissances féodales. Ecrasé depuis la guerre des Albigeois, obligé de lutter, constamment contre les Anglais maîtres de la Guyenne, ce pays cherchait à former des ligues de province pour sa propre défense. Mais il n’avait pas à présenter un seigneur dont la puissance pût se comparer à celle des quatre grands princes que nous venons de signaler. Il se mêla pourtant à la lutte et y prit bientôt, grâce au génie de son représentant, le comte d’Armagnac, une part prépondérante. Dans le début, et avant d’être un des derniers incidents de la grande querelle entre le Nord et le Midi, avant de devenir le suprême événement de la bataille engagée entre la France et l’Angleterre, l’affaire fut surtout un duel féodal, une sorte de combat judiciaire entre Orléans et Bourgogne. Duel, combat, où chacun en appelait au jugement de Dieu et où la royauté devait intervenir comme juge de camp, pouvant, au moment venu, jeter entre les combattants le bâton de commandement qui devait les séparer. Mais débile encore, plus affaiblie en ce début de sa puissance que la féodalité en son déclin, la royauté se laissa traîner à la suite des deux combattants pour mettre au service tantôt de l’un tantôt de l’autre ce peu qu’elle avait alors de prestige et de force.

Il nous faut nous contenter de ce résumé sommaire de la situation historique au milieu de laquelle notre prince s’agita depuis la mort de son père jusqu’à la bataille d’Azincourt.

Était-il bien capable de diriger et de dominer des événements aussi graves que ceux où il se trouvait si brusquement, si douloureusement jeté, événements