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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/252

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Que je vous vy derrainement
À si tresjoyeuse plaisance
Qu’il me sembloit certainement
Que jamais ennuyeux tourment
Ne devoit près de moi venir,
Mais je trouvay bien autrement,
Quant me fallut de vous partir.
     Car, quant ce vint au congié prandre,
Je ne savoye, pour le mieulx,
Auquel me valoit plus entendre
Ou à mon cueur, ou à mes yeulx ;
Car je trouvay, ainsi m’aid Dieux,
Mon cueur courroucié si tresfort
Qu’oncques ne le vy, en nulz lieux.
Si eslongnié de Reconfort.
     Et d’autre part, mes yeulx estoient
En ung tel vouloir de pleurer
Qu’à peine tenir s’en povoient,
N ilz n’osoient riens regarder ;
Car, par ung seul semblant monstrer
En riens d’en estre desplaisans,
C’eust esté pour faire parler
Les jalous et les mesdisans.
     Et de la grant paour que j’avoye
Que leur deuil si ne feust congneu,
Auquel entendre ne savoye ;
Oncques si esbahy ne fu,
Si dolent ne si esperdu ;
Car, par Dieu, j’eusse mieulx amé,
Avant que l’en l’eust apperceu,
N’avoir jamais jour esté né.
     Car, se par ma felle maniere,
J’eusse monstré, ou par semblant
Venant de voulenté legiere,
L’amour dont je vous ayme tant,