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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/40

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dresse, qui aidèrent le travail du rêve et de l’intelligence à faire triompher la résignation dans l’âme du prisonnier. Mais c’est à leur imagination surtout que je fais appel pour deviner les distractions que la vie journalière lui apportait par l’intermédiaire soit de ses compagnons de captivité, soit de la famille de ses geôliers, soit des visiteurs anglais. Nous voyons qu’il se mit de grand cœur à apprendre la langue anglaise. On a peut-être exagéré la connaissance qu’il en eut, et les critiques anglais croient pouvoir assurer que parmi les nombreuses pièces, ou traduites, ou originales qu’on lui attribue, trois seules, et des plus lourdes, sont de lui.

En dehors de ces distractions que la poésie, le travail et les hasards de la captivité lui apportaient, les espérances de liberté, les visites très-surveillées de ses serviteurs français, les lettres qu’on lui permettait d’écrire, le mouvement de cette illustre colonie française que la captivité avait formée en Angleterre, les nouvelles châtrées, révisées et arrangées qu’on lui laissait parvenir, et plus tard l’activité diplomatique où le gouvernement anglais aux abois le poussa, constituaient la vie du prisonnier.

De ces espérances de liberté toujours vaines, l’empereur Sigismond lui apporta la première en 1416. Elles durent recevoir un grand coup quand, après la mort de Henri V, en 1422, il avait appris que ce grand et habile roi, à son lit de mort, avait par-dessus tout recommandé qu’on ne délivrât pas son beau cousin d’Orléans. Ce passage du testament politique d’un homme d’État de cette trempe mériterait d’être approfondi et analyse. Nous indiquons seulement la principale raison de cette recommandation. Il s’agissait surtout d’enlever à une partie de la féodalité française son chef, à cette partie de l’armée française qui était justement l’armée du Dauphin, son général. Quelque soin que Guillaume Cousinot ; le représentant diplomatique et administratif de Charles, quelque zèle que ses représentants militaires, Galuet, puis le comte de Vertus, puis Dunois, aient pu mettre dans le gouvernement de ses seigneuries, l’apanage d’Orléans n’en était pas moins féodalemerit dans l’apparence et la situation d’un orphelin. Monstrelet, qui paraît connaître à fond l’esprit pratique des Anglais, ajoute que le duc eût été délivré bien plus tôt s’il n’avait pas fait venir