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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/44

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entré dans la diplomatie européenne ; la royauté n’avait pas encore t’ait prévaloir l’iticc de patrie telle qu’elle existe aujourd’hui ; la patrie, sous la féodalité, était à la fois plus générale et plus restreinte, elle ne visait pas directement la France, mais la chrétienté et la municipalité. Toutetois l’opinion publique avait adopté certains instincts d’une haute générosité chevaleresque, et, nous le répétons, elle ne permettait pas d’attaquer les forteresses de l’homme qu’on tenait en captiité.

C’est en 1432, que la sympathie éveillée par Jeanne d’Arc et la politique de la duchesse de Bourgogne commencèrent à faire entrevoir à Charles de nouvelles chances de salut. Rymer, dom Plancher, dans son histoire de Bourgogne, Monstrelet, Chartier, les chroniqueurs de Charles Vil, les poésies du duc lui-même, nos archives nous renseignent sur les incertitudes de ces huit années, où le pauvre prince fut le jouet de la politique anglaise et où il laissa trop voir combien la captivité avait obscurci son jugement et brisé son âme. C’est dans cet intervalle, en effet, qu’oublieux des fières résolutions d’autrefois, il fit, pour le dire en deux mots, soumission au roi d’Angleterre et cela sans réserve. Je n’ai pas mission de l’en excuser, j’écris son histoire, non son apologie ; je fais la biographie non pas d’un héros, mais d’un poëte, et j’ai tout droit de le blâmer bien que j’aie entrepris d’esquisser sa vie et de publier ses rimes. Mais si cet abaissement, ou cette erreur, peuvent difficilement s’excuser, ils s’expliquent fort bien. Il faut lire dans le tome IV de l’histoire de Bourgogne, de dom Plancher, le très-curieux récit des relations que les ambassadeurs de Bourgogne ont, en 1433, avec le duc d’Orléans. On ne veut le laisser communiquer avec personne ; il tient ses renseignements politiques uniquement des Anglais ; on surveille jusqu’à ses moindres gestes, il ne peut écrire, sans une permission qui lui est ordinairement refusée. Le prince ajoute qu’il est désespéré de passer sa vie dans les fers, que tout le monde l’abandonne. Il ignore que les négociateurs français font de sa liberté une des conditions du traité de paix ; il se rappelle seulement cet acte du 4 juin 1402 où Charles VI s’engage à payer la rançon des fils de son frère, au cas où ils seraient prisonniers. Enfin, il dit expressément qu’il veut se procurer