Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/46

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misère où il est réduit et qui l’empêche de trouver aisément la somme qu’il eût si facilement recueillie au début de sa captivité, il s’engage à donner immédiatement 80,000 saluts d’or — dont deux valent un noble anglais. — Il fournira dans les six mois 120,000 autres écus d’or pour le payement desquels s’engagent le Dauphin, le duc de Bretagne, le duc d’Alençon, le comte de Vendôme, etc. ; plus 20,000 autres écus d’or ; s’engageant à ne se considérer comme définitivement délivré que dans un an, à ne pas prendre avant ce temps les armes contre le roi d’Angleterre, à venir reprendre sa prison s’il ne peut complétement payer.

Il avait dû surtout sa délivrance au duc de Bourgogne et à ces vue ; politiques qui préparaient le dernier combat de la féodalité contre la royauté. Les grands vassaux voulaient être au complet, et la diplomatie anglaise continuait, en le relâchant, la politique qui l’avait engagée à le garder jusqu’alors. Dans les deux cas elle voulait affaiblir la France, hier en lui enlevant un élément de force, un prince du sang ; aujourd’hui en lui envoyant un nouvel élément de discorde, un chef féodal. Il nous faut ici encore renvoyer nos lecteurs aux chroniqueurs de Charles VII, aux histoires générales. Notre duc, après avoir été soustrait au mouvement général de la civilisation française, pendant ces vingt-cinq ans passés dans la demi-mort de l’exil, et dans cette obscurité des préjugés étrangers, revenait en France avec les idées de l’an 1415. Il se croyait encore au tenps de Charles VI et de la puissance absolue des princes du sang, il devint l’instrument de la politique bourguignonne, comme il avait été le jouet de la diplomatie anglaise, jusqu’à ce que l’âge éteignant les dernières ardeurs de cette ambition renouvelle, son intelligence et sa bonté naturelles vinrent en aide à son insouciance, à ses habitudes de loisirs poétiques et de labeur philosophique, et donnèrent gain de cause à la diplomatie de Charles VII et aux conseils du véritable patriotisme.

La vieillesse venait d’ailleurs ; il avait quarante-neuf ans quand il sortit de prison. Dès l’âge de quarante-trois ans, il se plaint de ses infirmités, et en 1437, il annonçait solennel ement qu’il quittait le Dieu Amours. On n’attendait pas toujours si tard, et son futur secrétaire, Antoine Astezan, déclare, à l’âge de trente ans, qu’il devient trop grave pour rester amoureux.