Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/48

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couchée sur son tombeau donne seule une idée noble de son type : le profil est d’une grande régularité et finesse, d’une grande délicatesse et douceur, le nez surtout légèrement aquilin est d’un dessin très-fin.

On m’excusera de ne pas m’étendre sur les félicités domestiques de notre poëte. Si nous en croyons le très-curieux roman historique que Georges Chastellian publia sous le nom de Chronique de Jacques de La Lain, la tendresse de Madame ne fut pas extrême pour Monseignieur. Mais il faut lire cette chronique, ici un peu scandaleuse, en songeant aux partis pris, aux préjugés et aux innocents devoirs de la galanterie poétique et chevaleresque du temps.

Le 18 décembre 1440, Charles est à Bruges, comme nous l’indique un traité qu’il signe là avec le duc de Bourgogne ; et sur le contre-sceau dudit traité se trouve la devise ma contente ou m’a contenté, que notre duc paraît avoir adoptée à cette époque en signe de joie, sans doute, de sa libération.

Le 14 janvier il vint à Paris avec sa nouvelle épouse. Les Parisiens le reçurent à merveille. Au bout de huit jours, selon le Bourgeois de Paris, il retourna dans son pays d’Orléanais. Charles VII, le voyant entouré d’une sorte d’armée de gentilshommes bourguignons, qui s’étaient attachés à lui pour les raisons qu’énumère Monstrelet avec sa finesse ordinaire, lui avait fait savoir qu’il le recevrait plus tard en moins grande compagnie. Le roi, d’ailleurs, surveillait le développement du grand mouvement féodal qui éclata en 1442, et il était mécontent de voir le duc d’Orléans se faire si aisément l’agent de la politique bourguignonne. Celui-ci crut bon de bouder et il passa les années suivantes à goûter, en voyageant, la joie de revoir cette France pendant si longtemps perdue et à servir d’instrument à ces intrigues auxquelles justement il devait ce long exil. Les 16 et 17 avril, il est encore à Blois. Il va à Tours. En août et juillet, il parcourt le Perche et la Bretagne. Nous avons ses étapes et ses dépenses pendant ce voyage en Bretagne, qu’il renouvela en 1442 et 1445. En octobre, il revient à Paris, « pour prendre une beschée sur la povre ville » et regagne la Bourgogne. Il était à Hesdin à la Toussaint. Cette beschée, je ne sais pas bien ce qu’elle lui rapporta. Mais celle qu’il avait prise en Bretagne n’avait pas été à dédaigner : le duc breton lui avait donné 20,000 écus et lui en avait promis 9,500