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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/60

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CHARLES D’ORLÉANS.

De se garder, mais changera vouloir,
Quant Plaisance lui monstrera à l’ueil
Gente beaulté plaine de doulx acueil,
Jeune, saichant et de manière lye
Et de tous biens à droit souhait garnie. »
     Sans plus parler, sailli hors de mon lit,
Quant promis m’eust ce que devant est dit ;
Et m’aprestay le plus joliement
Que peu faire, par son commandement.
Car jeunes gens qui désirent honneur,
Quant véoir vont aucun royal seigneur,
Ilz se doivent mettre de leur puissance
En bon array, car cela les avance
Et si les fait estre prisiez des gens,
Quant on les voit netz, gracieux et gens.
     Tantost après tous deux nous en alasmes
Et si longtemps ensemble cheminasmes
Que venismes au plus près d’un manoir
Trop bel assis et plaisant à véoir.
Lors Jeunesse me dist : « Cy est la place
Où Amour tient sa court et se soulace.
Que t’en semble, n’est elle pas tresbelle ? »
Je respondy : « Oncque mais ne vy telle. »
Ainsi parlans approchasmes la porte.
Qui à véoir fut tresplaisant et forte.
     Lors Jeunesse si hucha le portier.
Et lui a dit : « J’ay cy un estrangier,
Avecques moy entrer nous fault léans ;
On l’appelle Charles, duc d’Orléans. »
Sans nul delay le portier nous ouvry,
Dedens nous mist et puis nous respondy :
« Tous deux estes cyens les bien venuz ;
Aler m’en veuil, s’il vous plaist, vers Venus
Et Cupido, si leur raconteray
Qu’estes venuz et céans mis vous ay. »