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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/61

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POÈME DE LA PRISON.

     Ce portier fu appellé Compaignie
Qui nous receu de manière si lye.
De nous party, à Amour s’en ala.
Briefment après, devers nous retourna
Et amena Bel Acueil et Plaisance
Qui de l’ostel avoient l’ordonnance.
Lors, quant de nous approuchier je les vy,
Couleur changay et de cueur tressailly.
Jeunesse dist : « De riens ne t’esbahys,
Soyes courtois et en faiz et en dys. »
     Jeunesse tost se tira devers eulx,
Après elle m’en alay tout honteulx,
Car jeunes gens perdent tost contenance
Quant en lieu sont où n’ont point d’acointance
Si lui ont dit : « Bien soyez vous venue. »
Puis par la main l’ont liement tenue.
Elle leur dit : « De cueur vous en mercy ;
J’ay amené céans cest enfant cy,
Pour lui monstrer le tresroyal estat
Du dieu d’Amours et son joyeulx esbat. »
     Vers moy vindrent me prenant par la main,
Et me dirent : « Nostre Roy souverain
Le Dieu d’Amours vous prie que venés
Par devers lui, et bien venu serés. »
Je respondy humblement : « Je mercie
Amour et vous de vostre courtoisie ;
De bon vouloir iray par devers lui,
Pource je suy venu cy au jourduy,
Car Jeunesse m’a dit que le verray
En son estat et gracieux array. »
     Bel Acueil print Jeunesse par le bras,
Et Plaisance si ne m’oublia pas,
Mais me pria qu’avec elle venisse
Et tout le jour près d’elle me tenisse.
Si alasmes en ce point jusqu’au lieu