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CHARLES D’ORLÉANS.

Là où estoit des amoureux le Dieu.
Entour de lui son peuple s’esbatoit,
Dançant, chantant, et maint esbat faisoit.
Tous à genoulz nous meismes humblement,
Et Jeunesse parla premièrement
     Disant : « Treshault et noble puissant Prince,
À qui subgiet est chascune province
Et que je doy servir et honnourer
De mon povoir, je vous viens presenter
Ce jeune filz qui en moy a fiance,
Qui est sailly de la maison de France,
Creu ou jardin semé de fleurs de lys,
Combien que j’ay loyaument lui promis
Qu’en riens qui soit je ne le lyeray.
Mais à son gré son cueur gouverneray. »
     Amour respond : « Il est le bien venu ;
Ou temps passé j’ay son père congneu,
Plusieurs autres aussi de son lignage
Ont maintesfois esté en mon servage,
Parquoy tenu suy plus de lui bien faire,
S’il veult après son lignage retraire.
Vien çà, dist il, mon filz, que penses tu ?
Fus tu oncques de ma darde feru ?
Je croy que non, car ainsi le me semble ;
Vien près de moy, si parlerons ensemble. »
     De cueur tremblant près de lui m’aprochay,
Si lui ay dit : « Sire, quant j’acorday
À Jeunesse de venir devers vous,
Elle me dist que vous estiez sur tous
Si trescourtois que chacun desiroit
De vous hanter, qui bien vous congnoissoit ;
Je vous supply que je vous treuve tel.
Estrangier suy venu en vostre hostel,
Honte seroit à vostre grant noblesse
Se fait m’estoit céans mal ou rudesse.