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POÈME DE LA PRISON.


BALLADE I.


Belle, bonne, nompareille, plaisant,
Je vous suppli vueilliez me pardonner
Se moy, qui sui vostre grâce attendant,
Viens devers vous pour mon fait raconter.
Plus longuement je ne le puis celer
Qu’il ne faille que sachies ma destresse,
Comme celle qui me peut conforter,
Car je vous tiens pour ma seule maistresse.
     Se si aplain vous vois mes maulx disant,
Force d’Amours me fait ainsi parler ;
Car je devins vostre loyal servant,
Le premier jour que je peuz regarder
La grant beauté que vous avez sans per,
Qui me feroit avoir toute liesse,
Se serviteur vous plaisoit me nommer ;
Car je vous tiens pour ma seule maistresse.
     Que me donnez en octroy don si grant,
Je ne l’ose dire ne demander ;
Mais s’il vous plaist que, de cy en avant,
En vous servant, puisse ma vie user.
Je vous supply que, sans me refuser,
Vueillez souflrir qu’y mette ma jeunesse ;
Nul autre bien je ne vueil souhaidier,
Car je vous tiens pour ma seule maistresse.


BALLADE II.

     Vueilliez voz yeulx emprisonner,
Et sur moy plus ne les giettés ;
Car quant vous plaist me regarder,
Par Dieu, Belle, vous me tués,