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POÈME DE LA PRISON.

Mais Amours ont voulu monstrer
En ce leur gracieux povoir,
Pour donner aux amans vouloir
D’eulx fier en leur doulx secours ;
Car bien pevent appercevoir
Ce n’est que miracle d’Amours.
     Quant Pitié vit que franchement
Voulu mon cueur abandonner
Envers ma Dame, tellement
Traitta que lui fist me laissier
Son cueur, me chargeant le garder,
Dont j’ay fait mon loyal devoir,
Maugré Dangier qui recevoir
M’a fait chascun jour de telz tours
Que sans mort en ce point manoir
Ce n’est que miracle d’Amours.


BALLADE XIX.

     Douleur, Courroux, Desplaisir et Tristesse
Quelque tourment que j’aye main et soir.
Ne pour doubte de mourir de destresse,
Jà ne sera en tout vostre povoir
De me changier le tresloyal vouloir
Qu’ay eu tousjours de la belle servir
Par qui je puis et pense recevoir
Le plus grant bien qui me puist avenir.
     Quant j’ay par vous aucun mal qui me blesse,
Je l’endure par le conseil d’Espoir
Qui m’a promis qu’à ma seule maistresse
Lui fera brief mon angoisse savoir.
En lui mandant qu’en faisant mon devoir,
J’ay tout les maulx que nul pourroit souffrir.