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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/91

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POÈME DE LA PRISON.

Et me desplaist quant me fault vous escrire,
Car se faire ce povoit autrement,
J’aymasse mieulx de bouche le vous dire.
     C’est par Dangier, mon cruel adversaire,
Qui m’a tenu en ses mains longuement ;
En tous mes faiz je le trouve contraire,
Et plus se rit, quant plus me voit dolent.
Se vouloye raconter plainement
En cest escript mon ennuyeux martire,
Trop long seroit, pource certainement
J’aymasse mieuix de bouche le vous dire.


BALLADE XXI.

     Loué soit cellui qui trouva
Premier la manière d’escrire ;
En ce, grant confort ordonna
Pour amans qui sont en martire ;
Car quant ne pevent aler dire
À leurs dames leur grief tourment,
Ce leur est moult d’alegement
Quant par escript pevent mander
Les maulx qu’ilz portent humblement,
Pour bien et loyaument amer.
     Quant un amoureux escrira
Son dueil, qui trop le tient de rire,
Au plus tost qu’envoyé l’aura
À celle qui est son seul mire.
S’il lui plaist à la lettre lire,
Elle peut véoir clerement
Son doloreux gouvernement.
Et lors Pitié lui scet monstrer
Qu’il dessert bon guerdonnement,