Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/184

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Les principales choses de la place publique sont : 1“ des montagnes d’ognons blancs, ni plus ni moins hautes que les Pyrénées. On en fait ici un grand commerce ; mais je ne sais s’il peut égaler celui que l’on fait, à Gênes, des champignons pour l’Espagne, qui s’élève annuellement à 800,000 liv. Ce qu’il y a de certain, c’est que les ognons de Bologne sont au moins les frères cadets des ognons d’Egypte. Mais, pour le dire en passant, j’ai été tout-à fait la dupe de ma gourmandise, en venant en Italie pour manger des fruits : ils ne valent pas même ceux de France, hors les raisins qui sont exquis. On me promet que Florence soutiendra la réputation de l’Italie sur ce chapitre ; c’est ce’ qu’il faudra voir.


2“ Le palais public où demeure le cardinal Spinola, légat. Cette éminence est une des belles figures que j’aie vues ; il prétend être pape un jour ; et, si le Saint-Esprit étoit femelle, je n’ai pas de peine à croire qu’il ne lui donnât la préférence. Il est, outre cela, fort poli, et nous avons eu lieu d’être fort contents de ses manières, dans la visite que nous lui avons faite. Sa personne fait le plus bel ornement du palais, qui n’a pas grande beauté d’ailleurs. C’est un gros édifice massif, orné dans sa façade de quelques statues de bronze, et assez médiocre en dedans, excepté quelques curiosités, dont j’aurai occasion de vous parler ailleurs.


3° Le vieux palais, bâti pour servir de demeure à Ensius, roi de Sardaigne, fils naturel de l’empereur Frédéric qui, allant porter des secours à ceux de Modène dans le temps de la célèbre guerre qui se faisoit pour un sceau de bois, fut fait prisonnier par ceiix de Bologne, et retenu pendant vingt-deux ans, jusqu’à sa mort, après laquelle on lui fit, pour le consoler, de belles obsèques et une plus belle épitaphe qui se voit h Saint-Dominique. Cependant, combien de gens traitent tout cela de fables ! Pour moi, je suis sûr que l’épitaphe est très-moderne, et que l’architecture du palais en question n’est sûrement pas du temps que l’on cite ; il est vrai qu’on peut l’avoir ajoutée depuis pour l’ornement.


4“ La célèbre église de San-Petronio, édifice à simple collatérale, vaste, noble et extrêmement exhaussé. On y avoit commencé un portail gothique, qu’on a eu le bon esprit de ne pas continuer. On y peut remarquer au