Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/223

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Rien n’est placé là qui ne soit antique, et deux statues modernes seules ont mérité d’y avoir place ; ce sont les deux Bacchus, chefs-d’œuvre, l’un de Michel-Ange, l’autre de Sansovino. Cela posé, je ne m’amuserai pas à vous faire l’éloge de ce peuple de pierre ; je remarquerai seulement combien, par la comparaison que le voisinage m’a donné lieu de faire, j’ai trouvé les Grecs au-dessus des Romains. Les bustes sont encore plus précieux, non pas tant par l’ouvrage qui est cependant excellent, que parce qu’ils font une suite parfaitement complète de toutes les têtes d’empereurs romains depuis Jules-César jusqu’à Alexandre Sévère ; les usurpateurs même ou les concurrents n’y sont pas omis ; et outre cela, il y a une quantité de femmes ou filles de ces empereurs. Je suis toujours émerveillé de voir comment on a pu rassembler tous ces morceaux[1], parmi lesquels il y en a qui probablement sont uniques. Depuis Alexandre jusqu’à Constantin, la suite est continuée, mais fort incomplète, et c’est une chose assez curieuse que de voir la décadence de l’art cheminer d’un pas égal avec la décadence de l’Empire, de sorte que les derniers ne valent quasi plus rien. Les plafonds de ces galeries sont peints en arabesques charmantes par les élèves de Raphaël.

Dans le vestibule, quantité d’inscriptions, d’urnes et de bas-reliefs avec deux gros chiens grecs, de la taille du bon Sultan, autrement dit Pluton.

Dans le premier cabinet une haute colonne torse à cannelures, d’albâtre oriental transparent ; une suite de petites idoles égyptiennes ou asiatiques, une suite d’autres idoles grecques ou romaines, un choix des plus beaux bustes de bronze, un très-grand lustre tout d’ambre jaune transparent, au travers duquel on voit en dedans la généalogie de la maison de Brandebourg, en ambre blanc… un cabinet de lapis lazuli ; et une grande table de fleurs et de fruits parfaitement représentés au naturel, en pierres précieuses.

Dans la seconde pièce, trois superbes cabinets sous des pavillons. Le premier d’ivoire, contenant toutes sortes d’ouvrages infiniment curieux, soit en sculpture, soit au tour. Le second d’ambre, rempli d’ouvrages du même

  1. Au nombre aujourd’hui de soixante-dix-neuf.