Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


argument sur son existence que celui qu’on tire de ce buste. Si tous ces bustes avoient été faits successivement sous le règne de chaque pape et sur leur figure effective, il n’y auroit rien à répliquer ; mais je ne vois pas quelle preuve on peut tirer de toutes ces figures ingrates, fort mal fabriquées, toutes à la fois, d’une même main, rangées sans ordre et avec beaucoup d’ignorance, dans un temps oïl celte fable de la papesse avoit cours.


L’endroit de la cathédrale le plus curieux, est la sacristie à cause de la vie d’Enée Piccolomini, qui y a été peinte à fresque par le Pinturricchio, sur les dessins de Raphaël (1 ), alors très-jeune, et encore fort éloigné de la perfection où il est parvenu depuis. Quoique cet ouvrage soit fort au-dessus de tout ce qui avoit paru jusqu’à ce temps pour l’ordonnance et le dessin, surtout le morceau qui représente la promotion d’Enée au cardinalat, on peut dire que son principal mérite est dans la vivacité surprenante du coloris. Le peintre a damasquiné les habillements de ses figures d’or en relief, ce qui ne se fait jamais ; cependant cela produit un assez bon effet. L’éclat de ces peintures est une chose toute particulière et que je n’avois jamais vue. Leur coloris ne ressemble ni à la richesse du Veronese, ni à la vérité de Rubens ou du Titien, ni au frais enchanteur du Corrège, ni à la suavité des Carraches ou. du Guide, ni même à l’émail brillant des peintres flamands, dont il approche un peu plus, mais moins qu’il n’approche de celui des peintres de manière ancienne, tels que Conegliano ou Capanna. En un mot, il est tout-à-fait singulier et surprenant ; je me suis attaché par cette raison à le décrire plus particulièrement. Au milieu de la sacristie, dans un grand bénitier, il y a trois figures antiques des Grâces nues (2), qui dansent en rond. Je vis, avec grand plaisir, dans ce

(J) Les fi’ostjues du Pinturricchio représonlaut la vie d’Iiuée Piccolomini, fresques très-bien conservées, n’ont pas été faites sur les dessiiis de Raphaël, comme le prouve un document authentique récemment découvert à’ Sienne dans les archives des notaires. Ce document offre l’état de l’expertise faite par le Pérugin qui constate que tout est de la main du Pinturricchio, cartons, dessins et fresques. Il est possible <]ue Haphaël y ait collaboré comme élève.


(2) Elles ne dansent pas, elles se tiennent immobiles et enlacées.