Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/314

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de terres fertiles, et dont il semble qu’on ait coupé horizontalement le sommet. Ce sommet forme une plaine presque plate, entièrement stérile, couleur de cendre, et où l’on rencontre de temps en temps des cavernes pleines de fentes, dont la pierre est noircie, comme si elle avoit souffert de l’action du feu ; de sorte que l’on peut conjecturer qu’autrefois il y a eu là un volcan qui s’est éteint après avoir consumé toute la matière inflammable qui lui servoit d’aliment. Peut-être est-ce à cette cause qu’il faut attribuer l’admirable fertilité du talus de la montagne ? On prétend que le terriloire de Catane ne produit ses excellents vins, que depuis qu’il a été recouvert par les cendres vomies par l’Etna. Il est constant que certains terrains gras, inflammables et sulfureux, deviennent très-propres à produire de bons fruits, après que le feu les a travaillés, consumés et réduits en cendres. » Tel est le rapport de Strabon, où il est essentiel de remarquer qu’il ne dit point que la montagne ait deux sommets, circonstance qu’il n’auroit assurément pas omise. Dion Cassius garde le même silence à cet égard. Il me parut donc presque certain qu’autrefois le cintre du Monte Somma étoit entier et recouvert d’une voûte formant une plaine d’un grand diamètre, minée par-dessous ; que c’étoit là toute la montagne ou l’ancien Vésuve de Strabon ; que l’inflammation qui s’y mit peu après, au temps de Pline, l’an 79 de l’ère vulgaire, produisit la terrible éruption qui fit sauter toute la voûte de cette grosse montagne ; qu’elle lança une effroyable quantité de pierres et de matières de toutes espèces, et qu’elle fit couler, comme il arrive encore de notre temps, des laves ardentes ou torrents mélangés de terre, de cendre, de soufre et de métaux fondus, dont le poids, joint aux secousses réitérées des mines, fit ébouler du talus de la montagne une quantité de terres assez grande pour ensevelir la ville d’Herculanum et les contrées voisines, sous la chute de tous ces mélanges.

Vous voyez, par le récit de Strabon, qu’il n’est pas possible de mettre en question, comme quelques savants l’ont fait à ce qu’on m’a dit, si l’éruption qui a couvert Herculanum de ses ruines, est la première éruption du Vésuve, et qu’il est au contraire certain que bien avant cette date la montagne étoit un volcan qui avoit dans le