-rude, mais qui me parut de roses en comparaison de celui de la veille. Arrivé à Voltri, j’aperçus enfin de loin le grand fanal du port de Gênes qui n’étoit plus séparé de nous que par une belle plaine. Telle fut la fin d’une route entreprise sans connaissance, continuée sous l’influence de toutes sortes de fausses mesures, d’une longueur, d’un ennui, d’une fatigue et d’une dépense inconcevables. Ce fut une grande fête que de retrouver des chaises de poste à Voltri. À la commodité de l’équipage se joignit l’agrément de la route. De Voltri jusqu’à Gênes, ce n’est, pour ainsi dire, qu’une rue de trois lieues de long, bordée à droite par la mer, et à gauche par des maisons de campagne magnifiques, toutes peintes à fresque[1]. Qu’on ne s’avise pas de parler, à ceux qui ont vu ceci, des environs de Paris, ni de Lyon, ni des bastides de Marseille.
LETTRE V
Ayant fait cinquante lieues depuis Antibes, nous arrivâmes à Gênes par le faubourg de San-Pietro-d’Arena.
C’est y entrer par la belle porte ; mais la quantité de
belles maisons que je voyois depuis trois lieues me rendit
moins sensible à la vue de ce faubourg si vanté. Nous passâmes à côté du phare, très-élevé et construit par ordre
du roi Louis XII pour guider la nuit à l’entrée du port
qui est difficile. Alors nous eûmes la vue du port et de la
ville, bâtie tout autour en amphithéâtre et en demi cercle.
C’est la plus belle vue de ville qu’on puisse trouver. Le
port est extrêmement grand, quoiqu’on l’ait raccourci par
deux jetées ; mais on dit qu’il est peu sûr.
- ↑ Ces fresques s’effacent et disparaissent de jour eu jour.