Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/84

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Dans tout le tour extérieur de l’église régnent plusieurs étages de corridors soutenus par des colonnes, et où l’on peut se promener. L’intérieur frappe d’abord, en entrant, par sa magnificence, sa bonne proportion ; sa voûte, moitié en mosaïque, moitié en outremer semé d’étoiles d’or ; par la beauté des grilles des chapelles ; mais surtout par la grande grille qui traverse la nef, toute de cuivre aussi poli que l’or, et d’un excellent ouvrage. C’est une des choses que j’aie vu en ma vie qui m’a le plus satisfait.

De là on entre dans le chœur des frères, et ensuite dans le grand chœur, peint à fresque et assez bien, par Daniel Crespi. Le maître-autel est si beau, que je me hâtai d’y courir. C’est d’abord une balustrade à jour, entremêlée de marbres et de bronzes d’un grand goût ; des chandeliers de bronze ciselés en perfection, et quelques statues assez bonnes ; mais tout cède au maître-autel ou tabernacle. Ne croyez pas que j’exagère quand je dis que, quoique très-grand, il est tout de pierres précieuses orientales ; l’albâtre, le vert antique, le jaspe sanguin et lapis-lazuli s’y font à peine remarquer parmi d’autres pierres plus belles. Un curieux de marbres peut s’amuser là pendant un mois, et il n’y a pas un de nous qui, s’il avoit un des morceaux qui y sont prodigués, n’en fît faire une très-belle tabatière.

Quelque satisfaction qu’ait donné ce maître-autel, on n’est pas insensible aux parements d’autels des chapelles. J’aurois juré qu’ils étoient tous de broderie de petits grains ; mais, quand ce fut au fait et au prendre, ils se trouvèrent tous de marbre de rapport, faisant d’excellentes tapisseries. Au surplus, c’est tout ce qu’il y a à remarquer, dans cette église si vantée, que les marbres et les bronzes ; n’y cherchez ni sculptures, ni peintures ; bien qu’il y en ait un grand nombre. J’en avois pris une notice, mais je ne veux ni me donner la peine de l’écrire, ni vous donner celle de la lire. Je vais seulement mettre ici quelques morceaux qui me paraissent mériter qu’on s’en souvienne. À la troisième chapelle, à droite en entrant, une fresque, de Ghisolfi ; à la quatrième, un très-beau bas-relief, de Vospino, et un tableau d’Ambrogio de Fossano, remarquable pour être des premiers temps de la peinture…. à la cinquième, un saint Cyr, d’Albert Durer…. dans la croisée du même côté, un tombeau de Galeas