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HISTOIRE

cannes dentelées, et on jetait du sel dans leurs plaies. Cette barbarie fit bien des apostats, mais le nombre des martyrs fut immense, et la plupart de ceux qui avaient cédé à la rigueur des tourments n’étaient pas plutôt remis en liberté, qu’ils faisaient ouvertement pénitence de leur infidélité.

Mais le tourment dont on se servit plus efficacement pour affaiblir la foi des chrétiens dans l’Arima, fut l’eau ensoufrée du mont Ungen. Cette montagne est située dans le Figen, entre Nangazaqui et Ximabara ; son aspect a quelque chose d’affreux, son sommet est pelé, blanchâtre, et n’est guère qu’une masse brûlée. La terre y est brûlante en plusieurs endroits, et tellement spongieuse, qu’on n’y marche qu’en tremblant. On y entend constamment un grand bruit souterrain, et la montagne exhale une odeur de soufre si forte, qu’à plusieurs lieues à la ronde, on ne voit pas un oiseau. Cette montagne a plusieurs sommets qui sont séparés par des étangs d’eau brûlante. Il y avait surtout un de ces abîmes où, depuis peu d’années, il s’était fait une ouverture de figure ronde et d’environ six pas de diamètre. Il en sortait des exhalaisons si infectes, qu’on l’avait nommé Bouche d’Enfer ; il était plein jusqu’à la surface, non d’eau bouillante comme les autres, mais d’un composé de matière et de soufre qui s’élevait quelquefois en bouillonnant par-dessus