Page:Charnacé - Musique et Musiciens, vol1, 1874.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 198 —

pas la rime qui préocupe avant tout nos jeunes poètes ? Les détails du tableau n’absorbent-ils pas aussi la pensée de nos peintres, à ce point que la figure du sujet disparaît presque à nos yeux ?

Chez certains de nos musiciens, c’est l’orchestre qui est l’objet de toute leur attention, c’est le coloris auquel ils sacrifient la belle et pure mélodie se déroulant en longues périodes chantantes. Ce mouvement qui s’opère parallèlement dans tous les arts, repose sur une erreur que la critique ne saurait trop combattre, car c’est le triomphe de la matière sur le sentiment. Or détruire le sentiment en musique, c’est supprimer la musique elle-même. Le grand, l’éternel modèle que tous doivent avoir devant les yeux, Beethoven, n’a-t-il pas dépensé d’admirables et d’inépuisables richesses d’harmonie dans Fidelio, ? Et cependant, on ne citerait pas quatre mesures dans ce chef-d’œuvre où le sentiment du drame ne domine tout autre préoccupation.

Combien il serait triste de voir des jeunes gens pleins de talent spéculer sans cesse avec des sons, au lieu de nous exprimer ce qu’ils ont dans le cœur ! Mais nous ne voulons pas croire qu’il en sera toujours ainsi, car le public s’est prononcé et le théâtre