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lesquelles il encadrait autrefois sa pensée, lui semblaient insuffisantes, épuisées ; il n’écrivait plus que pour lui.

En écoutant le quatuor en ut dièse, on se représente le grand homme affranchi, pour ainsi dire, de toute règle, spéculant avec volupté sur les caprices de son génie. Ce n’est plus la grande âme qui enfanta la symphonie en ut mineur, c’est une intelligence sublime et révoltée, mais pourtant toujours maîtresse d’elle-même. L’esprit de Beethoven n’y connaît plus de frein, mais sa main reste ferme. Les idées qui s’y trouvent sont à la fois si nobles, si tendres, si pathétiques, si fantasques, les soubresauts par lesquels on passe, si violents, qu’ils échappent à l’analyse. Cependant il a su rassembler ces éléments contraires dans une unité devant laquelle on reste confondu, mais persuadé, toutefois, qu’un génie de la trempe de ce colosse peut seul tenter de pareilles entreprises.

Quelques jours, plus tard nous entendions l’admirable trio en si bémol, dédié par Beethoven à l’archiduc Rodolphe. Ce prince était lui-même compositeur et élève de l’auteur de la symphonie en ut mineur. Dans les dernières années de sa vie, le maître, envahi par la plus sombre humeur, devenu tout