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notre théâtre national ne l’a guère initié. Weber est un rêveur, attiré, inspiré, entraîné par les forces occultes de la nature. Il ne lutte que rarement avec les passions humaines, se laissant, de préférence, guider par la poésie pure dans le domaine de l’idéal, dans des sphères, invisibles pour nos yeux, mais où il vit entouré de lumière et d’où rayonne son génie. C’est un romantique qui, se trouvant trop à l’étroit dans le monde réel, conçoit et crée un monde fantastique où viennent sinon s’éteindre, du moins s’épurer les passions humaines, témoin le caractère d’Agathe. Weber est un amoureux d’une nature qui lui a révélé ses secrets, secrets auxquels son génie cherche à nous initier, mais aussi auquel la majorité d’entre nous reste indifférente.

Le drame moderne avec ses violences a emoussé, en nous les sentiments délicats ; il a mis à nu l’âme humaine et toutes ses passions ; il nous a fait pénétrer dans le vif de l’existence, armé du scalpel avec lequel Balzac a sondé toutes nos plaies ; il nous abreuve de larmes et de sang. Lors donc que nous allons au théâtre c’est du drame qu’il nous faut ; et quand il ne nous suffit plus, nous tombons dans le mélodrame imbécile et grossier. Puis, quand nous sommes saturés de cet alcool énervant, la réaction se