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la fleur elle-même à son séjour céleste pour la présenter comme une chose sacrée aux mondains dissolus.

Il la brisa le malheureux ! Il porta la fleur pudique dans le palais somptueux, et la plaça dans un vase précieux ; chaque jour il l’arrosa d’une eau fraîche puisée à la source de la forêt. Mais voici que les pétales rigides et chastement repliés s’ouvrent avec une molle volupté ; la fleur développe ses nobles organes générateurs et les présente avec une horrible indifférence au premier libertin venu ! « Qu’as-tu, ô fleur ? s’écrie le maître, l’angoisse dans l’âme. Oublies-tu les belles prairies, les bois où tu croissais si chastement ? » La fleur laisse alors tomber, l’un après l’autre, ses pétales flétris et fanés ; ils se dispersent sur le tapis, et un dernier soupir parfumé dit au maître : « Je ne meurs que parce que tu m’as brisée ! »

Et le maître mourut avec elle. Elle avait été l’âme de son art, et cet art devenait son propre arrêt de mort. Dans la prairie sauvage, il ne poussa plus de fleurs. Des chanteurs tyroliens vinrent des Alpes, et chantèrent devant le prince de Metternich ;