Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/278

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teux que possible : mon cheval, qui n’est pas mauvais pourtant, ne me coûte que dix louis.

« Pour en revenir à mes visites, l’exactitude allemande m’a bien tristement diverti : je dis tristement, parce que c’est comme cela qu’on se divertit dans ce pays. Il y a à la cour un grand et raide jeune homme, gentilhomme de la chambre comme moi, qui, selon l’humeur froide et inhospitalière des Brunswickois, m’avait fait une belle révérence et laissé dans mon coin, sans se soucier de moi, ce que je trouve assez naturel. Une petite dame d’honneur de la duchesse, parente de ce froid monsieur, m’ayant pris tout-à-coup très vivement sous sa protection, lui recommanda de me faire faire des connaissances, et de me présenter partout où il croirait que je pourrais m’amuser. Voilà que le monsieur, depuis quatre jours, vient tous les jours à quatre heures et demie chez moi, me dit : « Monsieur, il nous faut faire des visites ; » et chapeau bas, l’épée au côté, le pauvre homme me mène dans cinq ou six maisons où nous ne sommes d’ordinaire point reçus, grelottant et glissant à chaque pas, car il continue toujours le matin à neiger, et le reste du jour à geler à pierre fendre. A six heures et demie, il me remène jusqu’à ma porte et me dit : « Monsieur, j’aurai l’honneur de fenir vous prendre temain à quatre heures et temie. » Il n’y manque pas, et nous recommençons le lendemain nos froides et silencieuses expéditions.

« Je reçois une de vos lettres et j’y réponds article par article.

« Vous savez combien j’aime les détails, même des indifférents, et vous me demandez si votre heural me fatigue. Cette question est sans exagération la chose la plus extraordinaire que vous ayez dite, pensée ou écrite de votre vie : elle mériterait un long sermon et une plus longue bouderie ; mais je suis trop paresseux pour prêcher par lettre, et trop égoïste pour vous bouder. Si j’étais plus