velés : tout le reste n’est que songe et fumée. Or ces messieurs icy veulent que l’on croye et
reçoive ce qu’ils disent, et que l’on s’en fie à
eux, sans juger ou examiner ce qu’ils baillent ;
qui est une injustice tyrannique. Dieu
seul, comme a esté dict
[1], est à croire en tout
ce qu’il dict, pource qu’il le dict :
qui à semetispo, mendax est
[2].
L’autre moyen est par supposition de quelque faict
miraculeux, revelation et apparition nouvelle et
celeste, qui a esté dextrement practiqué par des
legislateurs, generaux d’armées, ou chefs de
part
[3]. La persuasion premiere, prinse du subject
mesme, saisist les simples ; mais elle est si
tendre et si fresle, que le moindre heurt,
mescompte, ou mesgarde, qui y surviendroit,
escarbouilleroit
[4] tout : car c’est merveille
grand, comme de si vains commencemens et
frivoles causes sont sorties les plus fameuses
impressions. Or ceste premiere impression franchie
devient après à s’enfler et grossir merveilleusement,
tellement qu’elle vient à s’estendre
mesme aux habiles, par la multitude des
croyans, des tesmoins, et des ans, à quoy
l’on se laisse emporter, si l’on n’est bien fort
preparé ; car
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DE LA SAGESSE,