Aller au contenu

Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

maniere de vivre. ô la grande sottise et foiblesse de penser que tout le monde marche, croit, dict, faict, vit et meurt comme l’on faict en son pays, comme font ces badauds, lesquels, quand ils oyent reciter les moeurs et opinions d’ailleurs fort differentes ou contraires aux leurs, ils tremoussent, ils mescroyent, ou bien tout destroussement disent que c’est barbarie, tant ils sont asservis et renfermez dedans leur berceau, gens, comme l’on dict, nourris dans une bouteille, qui n’ont veu que par un trou ! Or cest esprit universel se doibt acquerir de bonne heure par la diligence du maistre instructeur, puis par les voyages et communications avec les estrangers, et par la lecture des livres et histoires de toutes nations. Finalement il doibt luy apprendre à ne rien recepvoir à credit et par authorité, c’est estre beste et se laisser conduire comme un buffle ; mais d’examiner tout avec la raison, luy proposer tout, et puis qu’il choisisse. S’il ne sçait choisir, qu’il doubte, c’est peust-estre le meilleur, le plus sain et le plus seur ; mais luy apprendre aussi à ne rien resouldre tout seul, et se deffier de soy. Après l’ame vient le corps ; il en faut avoir soin tout quant et quant l’esprit, et n’en faire