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Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/119

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çoit. Qui donne et faict bien à autruy exerce chose honneste et noble ; qui reçoit n’en faict poinct : l’honneste est pour le premier, l’utile pour le second. Or l’honneste est beaucoup plus digne, ferme, stable, amiable, que l’utile, qui s’esvanouit. Item, les choses sont plus aymées, qui plus nous coustent : plus est cher ce qui est plus cher. Or engendrer, nourrir, elever, couste plus que recepvoir tout cela. Or cest amour des parens est double, bien que tousiours naturel, mais diversement. L’un est simple et universellement naturel, et comme un simple instinct qui se trouve aux bestes, selon lequel les parens ayment et cherissent leurs petits encore begayans, trepignans et tettans, et en usent comme de jouets et petits singes. Cest amour n’est poinct vrayement humain. L’homme, pourveu de raison, ne doibt poinct si servilement s’assubjectir à la nature comme les bestes, mais plus noblement la suyvre avec discours de raison. L’autre donc est plus humain et raisonnable, par lequel l’on ayme les enfans plus ou moins, à mesure que l’on y void surgir et bourgeonner les semences et