Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/9

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plaisir, si la volupté cesse, il se separe, et s’estrange du tout sans se plaindre. La seconde distinction, qui est pour le regard des personnes, se faict en trois especes : l’une est en droicte ligne, entre superieurs et inferieurs, et est, ou naturelle, comme entre parens et enfans, oncles et neveux ; ou legitime, comme entre le prince et les subjects, le seigneur et les vassaux, le maistre et les serviteurs, le docteur et le disciple, le prelat ou gouverneur et le peuple. Or ceste espece n’est poinct, à proprement parler, amitié, tant à cause de la grande disparité qui est entre eux, qui empesche la privauté et familiarité et entiere communication, fruict et effect principal de l’amitié, qu’aussi à cause de l’obligation qui y est, qui faict qu’il y a moins de liberté et de nostre choix et affection. Voylà pourquoy on leur donne d’autres noms que d’amitié ; car aux inferieurs on requiert d’eux honneurs, respect, obeyssance ; aux superieurs, soin et vigilance envers les inferieurs. La seconde espece d’amitié pour le regard des personnes est en ligne couchée et collaterale entre pareils ou presque pareils. Et ceste-cy est encore double ; car ou elle est naturelle, comme entre freres, soeurs, cousins ; et ceste-cy est plus amitié que