Ainsi que par les prez le souci jaunissant
Se retourne sans cesse à l'objet agreable
Du bien aimé Soleil, & languit miserable
La teste contre bas, quant il en est absent :
Dorenavant j'iray mon penser addressant
Au salutaire objet de la mort charitable,
Et moy-mesme en tout tems à moy-mesme semblable
Sur le mesme sujet, je l'iray finissant
Ainsi le fer touché se tourne devers l'Ourse
Et les fleuves en mer precipitant leur course :
Ainsi r'endurcissant mon ame, à tout effort
J'apprendray à mourir paravant que je meure,
Puisqu'heureus est celuy qui vivant d'heure en heure
Paracheve sa vie, auparavant sa mort.
De tant de beaus chasteaus bien munis de deffence
De Citez, & de bours, & de palais hautain,
De temples, de piliers, de Theatre Romain
Que le pelerin voit hors de sa demeurance ;
Il n'en fait point d'estat, quant en soy-mesme il pense
Que la part ou il est, il ne fera demain
Mais tous ces beaus objets delaissera soudain,
Afin de retourner au lieu de sa naissance :
Vous voyagers du monde & non vrays habitans
Qui logez vos desirs aus maigres passe-tems,
Triumphes, dignitez & richesses du monde ;
Jusqu'a quant tiendrez vous la pensee & les yeus
Contre terre fichez, sans regarder aus cyeus
Lieu de vostre patrie ou tout plaisir abonde ?