Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/108

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CIII.


Ainsi que par les prez le souci jaunissant
Se retourne sans cesse à l'objet agreable
Du bien aimé Soleil, & languit miserable
La teste contre bas, quant il en est absent :

Dorenavant j'iray mon penser addressant
Au salutaire objet de la mort charitable,
Et moy-mesme en tout tems à moy-mesme semblable
Sur le mesme sujet, je l'iray finissant

Ainsi le fer touché se tourne devers l'Ourse
Et les fleuves en mer precipitant leur course :
Ainsi r'endurcissant mon ame, à tout effort

J'apprendray à mourir paravant que je meure,
Puisqu'heureus est celuy qui vivant d'heure en heure
Paracheve sa vie, auparavant sa mort.


CIIII.


De tant de beaus chasteaus bien munis de deffence
De Citez, & de bours, & de palais hautain,
De temples, de piliers, de Theatre Romain
Que le pelerin voit hors de sa demeurance ;

Il n'en fait point d'estat, quant en soy-mesme il pense
Que la part ou il est, il ne fera demain
Mais tous ces beaus objets delaissera soudain,
Afin de retourner au lieu de sa naissance :

Vous voyagers du monde & non vrays habitans
Qui logez vos desirs aus maigres passe-tems,
Triumphes, dignitez & richesses du monde ;

Jusqu'a quant tiendrez vous la pensee & les yeus
Contre terre fichez, sans regarder aus cyeus
Lieu de vostre patrie ou tout plaisir abonde ?