Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/125

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CXXXVII.


Tu ne meurs point trop tost restant un jour au monde
Un seul jour pour tout voir est suffisant, tousjours
Le moindre jour de l'an egale à tous les jours,
Et tousjours mesme nuit le lumiere seconde.

Ces astres, ce Soleil, ceste planete ronde
Sont les mesmes flambeaus qui suivant les destours
Du ciel tousjours rouant, commencerent leurs cours
Au mesme instant que DIEU crea la terre & l'onde.

Nos ayeus les ont veu, encore les verront
Leurs enfans successeurs, qui de mesme cherront
Comme leur pere viel sous l'oublieuse lame.

Cest tousjours à refaire & à recommencer
Au mani'ment mondain, le mieus est de penser
Qui la plus courte vie est le salut de l'ame.


CXXXVIII.


La descente aus enfers est plaisante et facile
Ouverte à tout venant, mais d'un agile saut
S'en retourner en vie, & revoler en haut
Cest de la vertu sainte un exploit difficile.

Des que la fiere mort la paupiere nous sille
D'un long sommeil de fer, & quelle nous assaut
De son trait outrageus, tout espoir nous deffaut
De revoir du Soleil la carriere mobile.

Tandis que le Seigneur nous en donne loisir
Travaillons au salut, refrenant le desir
Qui du bien eternel esteint la souvenance.

Une fois & non deux seulement nous vivons,
Et si jusqu'a la mort le monde nous suivons,
N'esperons au tombeau de faire penitence.