Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/195

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CCXXI.


ORGEUILLEUS evente prens garde et consideres
Si l'ombre de ton cors excede ore le tour
Dont elle te ceignoit auparavant le jour
Que le sort augmenta tes rentes voyageres :

Le sage & non le riche evite les miseres,
Et les choses du monde ont un si viste cour
Que ceus la sur la fin ne prosperent tousjour,
Qui tousjours ont treuvé leurs fortunes prosperes.

Quant on pense bastir l'asseure froidement
De sa prosperité lors en moins d'un moment
Nos projets eventez s'escoulent en fumee

Orgueilleux tu es home, & bien que tu sois roy
Si lairras tu le monde aussi bien comme moy
Paissant les vermisseaus de ta chair consumee.


CCXXII.


REGARDE en la saison ou le fruittier Automne
Estalle ses thresors, un petit vent leger
Abat les plus beaus fruis d'un plantureus verger
Qui de leur teint vermeil resjouissent Pomonne.

Ainsi le moindre mal dont le ciel empoisonne
Le miel de nos esbas faciles à changer
Nous deprime aussi tost, & nous met en danger
De perdre en un moment & sceptre & coronne.

Si ne faut il ceder à la calamité,
Ny s'eslever trop haut en la felicité,
Portant moderement l'une & l'autre fortune :

Le prudent obeit de bonne volonté,
À ce qui par raison ne peut estre domté,
Et tire son prouffit de la perte commune.