Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/39

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XXIII.


Tout le cour de nos jours au service est semblable
Et faut s'accompagner à sa complexion,
Ou bien si tu te plains de ta condition,
Tu rendras de tes jours le pois insupportable :

Tout ce que cette vie à de plus convenable
Embrasse le, & le gouste, il n'est affliction
Qui n'ait au mesme instant sa consolation,
Ainsi des ronces sort la rose delectable.

Tu scais que le logis ou nature t'a mis
A mille changemens à toute heure est soubmis,
Hautain, sedicieus, impudent & rebelle :

Par ainsi prends exemple aus forcats prisonniers,
Qui chantent meinte fois sur les bancs mariniers
Bien que leur mal soit grand, & leur prison cruelle.


XXIIII.


Viellart qui longuement as couru ceste vie
Or sus racconte moy combien t'en à osté
Ton chiche creancier, combien d'autre costé
De tes haineus couvers l'injurieuse envie :

Dis moy semblablement combien t'en à ravie
Ta femme rioteuse, ou l'amis enrouté
Dans un lac de misere, ou l'ennui degousté
Les soupcons, ou la peur de tristesse suivie ?

Combien le chastiment des fils, & des valets
Combien l'Art de la Court, ou celuy du palais :
En fin tu treuveras que durant ton voyage

Ce que tu as vescu, est le plus court de tous
Ne vivant qu'a demy, puisque le sommeil dous
Ravit incontinant la moitié de noste àge.